Chapitre II quatrième partie

Lundi 3 août 2020.
Bernard Arnault fait découvrir à Valérie Pécresse cette bergerie « bourrée de charme » qu'il vient d'acquérir du côté de Porto-Vecchio. Il l'entraîne au bout du parc. La vue sur le golfe est impressionnante et les odeurs ! ha, les odeurs !
- Contrairement aux idées reçues, les gens ici sont adorables, se confie le maître des lieux.  J'aime beaucoup les Corses. Les Corses et les Bretons finalement sont très proches. Notre terre, notre territoire...
Il s'interrompt. Un hélicoptère apparaît. Probablement ses amis Américains qu'il veut présenter à Valérie.
Jean-Luc Mélenchon, lui, est bien loin de ce paradis terrestre. Pendant que les autres dégustent fruits de mer et poissons grillés, face à la splendide baie de Porto-Vecchio en parlant du grand capital sous un soleil de plomb, lui, il est dans la grisaille, à Rennes. En 2017, il y avait fait un très beau 26%. Ce soir, il sera en meeting au Liberté, salle en principe réservée aux concerts. Il est arrivé dans la préfecture d'Ille-et-Vilaine à 14 heures. Au menu : un rendez-vous à la mosquée Ibnou Sina pour assister à un cours d'islam devant des jeunes musulmans bretons. Puis, balade en ville, avant une discussion à bâtons rompus à la Brasserie de la Paix, où lui ont donné rendez-vous quelques amis francs-maçons pour parler de laïcité. Le tout, évidemment, devant une cohorte de journalistes.
Vingt heures. Le Liberté est maintenant plein comme un œuf. Les quatre mille places ont été prises d'assaut dès 16 heures. Au-dessus de l'estrade, la lettre phi, emblème de son parti et figure de la symbolique maçonnique, surplombe, immense, la salle.
Vingt heures trente, la vedette entre en scène, suivi d'un responsable de la mosquée Ibnou Sina. La foule est en transe. Les « Jean-Luc ! Jean-Luc ! », fusent de partout. Mélenchon se plante devant son micro, sourit, observe, sourit à nouveau, jette un œil sur l'imam qui s'est planté à côté de lui. Le candidat de la France insoumise goûte avec volupté ce moment.
- Merci ! hurle-t-il pour couvrir la fureur du public. Merci !
- Jean-Luc ! Jean-Luc ! Jean-Luc !
Le silence se fait doucement. Il sourit encore, remercie une nouvelle fois et se lance :
- Je suis venu à Rennes, et j'ai fait une rencontre magnifique.
La foule manifeste.
- J'ai voulu vous présenter cet homme qui est à ma droite ! C'est Youssef, un jeune responsable de la mosquée que j'ai visitée cet après-midi.
Bruit de foule.
- Youssef ! dit-il à son voisin, mon pays, mon beau pays, mon pays que j'aime et que je chéris, la France...
Il marque un temps et reprend.
- Mon pays, c'est le tien ! c'est ton pays, hurle-t-il. Et je suis content que ce soit le tien, parce que tu le mérites !
La foule bascule dans le délire.
Et pendant ce temps, pendant que la foule délire, que Mélenchon s'excite, que Valérie bronze en Corse ; pendant que les jeunes se font casser la figure et que la France est en vacances, Le JDD sort le premier sondage qui place la présidente de la région Île-de-France en tête des intentions de vote (24%), devant Laurent Wauquiez (22%), suivi dans un mouchoir par Jean-Luc Mélenchon (21,5%). Nicolas Bay fait une entrée intéressante à 17%, Olivier Faure s'écroule à 7%, enfin Nicolas Dupont-Aignan, dont on se demande comment il a obtenu ses parrainages, est à 3,5%. Les 12% restants, étant les indécis.