Chapitre I Première partie

Depuis trois jours, ils ont tout fouillé, tout scruté : la garrigue et les alentours, le golf et les tennis, les vestiaires et le clubhouse, le parking, les garages, le hall et les couloirs, les chambres et les suites, les cuisines, tout. Tout a été ratissé, passé au peigne fin, sécurisé. Aucune chance que des agents de l'idéologie complotiste ne surprennent quoi que ce soit pendant les trois jours de séminaire qui va réunir dans cette somptueuse résidence hôtelière de l'arrière-pays niçois l'élite mondiale.

Demain, 17 juin 2019, le groupe Bilderberg sera là pour ses conférences annuelles qui dureront jusqu'à vendredi. Le palace a été réservé pour la semaine. On y attend le défilé des limousines aux vitres fumées desquelles descendront des hommes et quelques femmes qui ne poseront pas même un regard sur cet Éden situé à guère plus d'une demi-heure de l'aéroport Nice-Côte d'Azur. Ils avanceront à la recherche d'une tête connue pour se congratuler, rivaliser d'amabilités et se laisser passer devant.  Ils, ce sont les leaders mondiaux de l'économie, de la finance, des médias, des armées, de la science ou de la politique. Et, bien sûr, les services secrets ou de renseignements, sans quoi rien ne serait possible. Comme chaque fois, ils évoqueront les grandes orientations du monde qu'ils dicteront ensuite aux pouvoirs prétendus démocratiques. Comme chaque fois, tout se déroulera en tapinois et comme chaque fois les forces de sécurité internationales les plus performantes seront sur les dents pour préserver à la fois l'intégrité de ces élites et la discrétion qui doit les entourer. Le groupe Bilderberg, c'est ça ; et si peu de gens le connaissent, pour les observateurs avisés c'est certainement le réseau d'influence le plus redoutable du monde.

Fondé en 1954, Bilderberg est la suite du CFR (Concil on foreign relation) créé en 1924. Le CFR étant jugé trop anglo-saxon, car ne réunissant que les États-Unis et les pays du Commonwealth, il a fallu, sept ans après la signature du plan Marshall, intégrer l'Europe. Bilderberg a été créé.

Le démiurge de cette initiative, c'est David Rockefeller. Rockefeller, l'internationaliste revendiqué. Rockefeller qui souhaitait la fin
des États nations. Rockefeller qui, en 1991, à Baden-Baden, se prononçait en faveur d'une « souveraineté supranationale exercée par une élite intellectuelle et des banquiers internationaux, [...] préférable à l'autodétermination nationale en vigueur au cours des siècles passés. » Rockefeller qui dans ses mémoires écrit : « Certains croient même que nous faisons partie d'une cabale qui œuvre contre les intérêts supérieurs des États-Unis en nous accusant, ma famille et moi-même, d'être des internationalistes et de conspirer avec d'autres gens de la planète pour bâtir une structure économique et politique mondiale plus intégrée - un monde unique si vous voulez. Si c'est de cela qu'on m'accuse, je plaide coupable et suis fier de l'être. »

Un internationalisme postulé que Rockefeller partageait avec Kissinger et auquel il fallait intéresser la fine fleur mondiale. Pour ça, une
tête couronnée, ne pouvait nuire. Le Prince Bernhard des Pays-Bas a été approché. Trop content, pour sa part, de pouvoir côtoyer la finance internationale et les plus grands décideurs de la planète, le mari de la reine Juliana n'a pas hésité longtemps. Non seulement il en serait, mais en plus il acceptait de recevoir la première conférence du groupe à l'hôtel Bilder (d'où le nom Bilderberg) d'Oosterbeek dans son pays.

Bilderberg était né et Bilderberg allait grandir. Mais grandir dans la plus grande discrétion. Une discrétion d'autant mieux préservée
que tous les participants aux conférences ne sont pas forcément au courant des véritables enjeux.

En effet, le groupe est structuré en 3 cercles. Le troisième comprend les invités occasionnels. Par exemple le personnel des médias et de la politique. Des commensaux qui ne sont là que pour être testés et voir s'ils peuvent servir de relais aux idées de l'organisation. Les membres de ce troisième cercle, bien entendu, sont tenus à l'écart des stratégies réelles et des visées de la confrérie. Le deuxième cercle est plus fermé. Selon le Huffington post, il est constitué d'environ 35 membres qui connaissent à 90% les objectifs profonds. Enfin, le premier cercle est le Bilderberg Advisory Committee (Comité consultatif). Il ne comprend qu'une dizaine de membres qui
décident et définissent les grands axes. Le Huffington post ajoute : « Pour ceux qui enquêtent sur les réseaux de pouvoir, Bilderberg est un véritable gouvernement mondial occulte. Au cours de ses réunions, des décisions stratégiques essentielles y sont prises, hors des institutions démocratiques où ces débats devraient normalement avoir lieu. » Les orientations discutées peuvent concerner le début
d'une guerre, l'initiation d'une crise économique, les fluctuations monétaires ou boursières majeures, la gestion démographique de la planète et les flux migratoires, les politiques sociales ou encore les alternances politiques dans ce qu'on ose encore appeler les démocraties. Ainsi a-t-on vu des chefs d'État, comme Emmanuel Macron, se rapprocher de Vladimir Poutine ; ou Nicolas Beytout,
un habitué des conférences, prôner un rapprochement avec la Russie. Chose inenvisageable il n'y a pas si longtemps. Ces dispositions conditionnent ensuite les décisions des institutions subalternes comme le G8 et se répandent dans les thinks tanks, tel l'institut Montaigne ou les Gracques avant d'envahir les médias et de nourrir ce qu'on appelle la pensée unique.

Les défenseurs de Bilderberg et des ces groupes de pression qualifient leurs ennemis de complotistes. Or, qu'on le veuille ou non, ces
groupes existent, se réunissent et gardent secrète la teneur de leurs réflexions. S'il ne s'agit pas de complots, il s'agit au moins de réunions secrètes...

Depuis 2011, le chairman du groupe est le Français Henri de Castries. Mais chez ces gens-là, un président n'est pas un décideur, plutôt un exécuteur des directives ordonnées par le premier cercle. Son pouvoir est limité. Il peut proposer des noms pour des invitations ou cooptations ainsi que le lieu des réunions. C'est ainsi qu'il a fait venir François Fillon, Alain Juppé, Manuel Vals, Emmanuel Macron, Édouard Philippe, pour n'en citer que quelques-uns, ainsi que des journalistes qui doivent ensuite essaimer la bonne
parole.

Pour le millésime 2019, de Castries a convié trois personnalités politiques françaises : le Premier ministre Gérald Darmanin,
Nicolas Hulot et une revenante, Valérie Pécresse. Celle-ci, en effet, était déjà là en 2013 et avait alors fait forte impression par sa capacité d'écoute. Au-delà des politiques, le chairman a également invité quelques hauts responsables de la presse écrite. Au menu des conférences : le point sur le bipolarisme dans les démocraties occidentales ; Donald Trump et les élections américaines de 2020 ; le réchauffement climatique ; l'indépendance de la Catalogne et les institutions européennes ; l'Occident et les flux migratoires ; ainsi que la présidence d'Emmanuel Macron, l'une des plus belles impostures des dernières décennies que l'on doit à Bilderberg.

En effet, en propulsant Macron en 2017, les Bilderbergers ont voulu signer l'arrêt de mort de l'homme providentiel. Pour eux, l'homme
providentiel c'est une hallucination. Ça ne doit plus exister. Et ce parce qu'un seul homme, pour peu qu'il ait du caractère, pourra toujours s'opposer à une emprise quelle qu'elle soit. Cela avait été le cas avec le général de Gaulle, qui ne connaissait probablement pas l'existence de Bilderberg, mais dont le flair lui avait fait sentir l'omnipotence des groupes financiers internationaux. À la place de l'homme providentiel, Bilderberg préfère les systèmes sur lesquels il pourra avoir la main. Malheureusement, les vieux pays européens et leurs monarchies éculées ont incrusté de manière très profonde cette notion dans l'inconscient des peuples. Il faut que ça cesse. L'homme providentiel étant ce qu'ils détestent le plus, ils sont en train d'en détruire l'idée même et, pour ce faire, se sont servis de Macron. Ils l'ont présenté ainsi. Ils l'ont célébré, vanté, glorifié, vendu comme s'il était ce messie que la foule attendait. Puis, depuis le quatrième trimestre de l'année 2018, ils ont commencé à le démolir, morceau par morceau. À présent, il ne reste plus qu'à le déboulonner pour le détacher de son piédestal. Et pour bien marquer le coup, avant la fin de son mandat. Façon de montrer à la face des peuples que le messianisme n'est qu'une mystification d'un autre temps.

Évidemment, peu de membres qui assistent aux conférences du cru 2019 sont instruits de ces menées occultes visant le président français et certainement pas son Premier ministre. Encore moins Valérie Pécresse. En revanche, celle-ci a été désignée, sans qu'elle le sache encore, pour succéder au même Macron.


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